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Soirée philo du 11 octobre 1996

Avertissement. Ce texte n'est que la réunion des notes prises par les uns et les autres durant la soirée, d'où la sécheresse du style et l'absence de liens logiques systématiques.

Thème général : déterminisme et responsabilité

Dans quelle mesure ces deux notions, apparemment antithétiques, sont-elles compatibles?

La conscience (en général) de l'homme implique sa capacité à connaître ses actes passés, et à agir sur ses pensées (même si cette action est déterminée). Donc si un homme doit se décider et qu'il est conscient, il pourra modifier sa décision (même si cette modification est déterminée). La responsabilité serait alors la conscience de l'acte et l'accord de cet acte avec sa volonté.

Le déterminisme est à la fois extérieur (réponse aux conditions extérieures données et assimilation) et intérieur (histoire du sujet, ensemble des valeurs auxquelles il obéit). Le sujet est donc à chaque instant amené à juger les actions (en particulier les siennes) selon ses valeurs, et la responsabilité, qui est liée au regret, ne prend son sens que si le sujet peut changer ses propres valeurs, c'est-à-dire reconnaître qu'une action qu'il jugeait bonne selon certaines valeurs est mauvaise selon d'autres (imposées par la société, ou nouvellement reconnues par le sujet). La responsabilité implique donc que le sujet puisse changer ses valeurs c'est-à-dire ses déterminations, partant, être conscient d'elles (même si ce changement est lui-même déterminé).

Déterminisme : action du passé sur le présent, mais aussi du futur sur le présent dans la mesure où le sujet se projette dans le futur en vue d'accomplir une action (projection des circonstances futures supposées sur le présent ; nombreux exemples de situations où la prévision influe sur sa réalisation, où le fait de prévoir rend la prévision vraie). A partir du moment où cette projection s'établit, le sujet est conscient de ce qu'il va faire, et on peut alors considérer qu'il est responsable de cette action (dans la mesure du moins où les circonstances extérieures sont en relatif accord avec ce qu'il supposait ou ce qu'on pouvait raisonnablement [c'est-à-dire selon des critères "objectifs" relatifs à des personnes extérieures] supposer). La notion de "circonstances atténuantes" recoupe les cas où le sujet, sans agir contre sa volonté, a vu cette volonté directement canalisée par l'extérieur, et donc sa possibilité d'agir sur ses pensées (sa conscience) diminuée (dans le cas où cette canalisation de la volonté résulte de déterminations internes [valeurs du sujet etc.], on considère généralement qu'il est responsable, et d'autant plus dans la mesure où il est conscient de ses valeurs). Exemple : lorsque le sujet n'a pas le temps de réfléchir pleinement à une action (ordre à exécuter rapidement etc.), sa possibilité d'action sur ses pensées (sa conscience, en fait) est diminuée.

La notion de mérite apparaît double : d'une part, elle est très liée à l'augmentation de la maîtrise de soi (qui passe par la conscience) dans des buts jugés bons, et d'autre part, à la difficulté (la quantité de souffrance, car quelqu'un qui ne souffre pas là où les autres souffrent n'a pas de mérite sauf dans la mesure où cette absence de souffrance provient d'un entraînement difficile) d'accomplir telle ou telle action.

Le système du déterminisme est cohérent, tout comme l'empirisme, mais ni prouvable ni réfutable (impossibilité de prouver après-coup qu'il n'y avait pas d'autre possibilité). D'autre part, le déterminisme n'implique pas la prévisibilité : ceci provient de l'imperfection de la connaissance mais aussi de choix du hasard qui sont inintelligibles et intrinsèquement non prévisibles (cf. mécanique quantique). De plus même si les enchaînements causeseffets sont parfaitement connus, l'aboutissement d'une chaîne (d'un nombre infini de) causes et d'effets peut être inintelligible.

D'autre part la volonté peut amener le sujet à se créer des réflexes qui ensuite prennent le pas sur la volonté devenue inutile. Alors, on peut considérer qu'il y a responsabilité des conséquences de ces réflexes dans la mesure où la volonté n'a pas entre-temps changé.

Notre croyance au déterminisme vient de la répétition de certaines circonstances (mêmes causesmêmes effets, au moins statistiquement) mais aussi de la constatation de nos propres limites (déterminations extérieures et psychologiques).

Notre croyance au déterminisme (fondée ou non) est une des causes de notre responsabilité : si tout était aléatoire, cette notion perdrait son sens. La contradiction apparente vient du fait que pour prendre sons sens, la responsabilité doit être définie par rapport au déterminisme pris au second degré et placé dans un cadre temporel (et non instantané), c'est-à-dire la détermination à modifier une détermination antérieure (est responsable celui qui a la possibilité de modifier ses déterminations antérieures, où plutôt celui à qui les circonstances extérieures laissent cette possibilité, c'est-à-dire celui qui n'est déterminé que par des circonstances dues à lui-même). Cette possibilité implique que le sujet ait conscience de cette décision (conscience=pensée de ses pensées, qui est bien liée à un déterminisme du déterminisme) ; et réciproquement la conscience de cette décision jointe à la possibilité d'avoir la volonté de modifier (la possibilité et non la volonté effective de modifier) entraînent la possibilité de modifier ses décisions antérieures.

La responsabilité est donc liée à la conscience et à la volonté. Celles-ci sont supposées être présentes chez tout homme (Kant : "je peux vouloir"). D'autre part la volonté est indissociable de l'émission d'un jugement. La possibilité de volonté implique la connaissance de l'état présent de soi donc la conscience ; la conscience comme réflexion de soi implique la volonté (car s'il n'y avait pas de volonté, la pensée de soi n'aurait pas d'objet, ne résulterait que du hasard et resterait donc sans conséquence). Conscience et volonté sont donc indissociables, et la notion de responsabilité provient donc de la supposition que l'homme possède l'une ou l'autre.

A propos du mérite : le mérite absolu consisterait à juger non pas le résultat (bon ou mauvais, utile ou nuisible) d'une action, mais à juger l'action elle-même, le processus de la prise de décision. En pratique, le mérite est jugé selon une valeur sociale, un résultat. De plus l'intervention de la notion de difficulté dans le mérite résulte de la nécessité (sociale) de donner des bons exemples. Le mérite est une forme (utile socialement) de personnalisation des causes. Il peut de plus servir de facteur d'émulation (pour celui qui le reçoit et pour les autres). Interviennent aussi dans le mérite les potentialités d'utilité extérieure. Ainsi le mérite a trois composantes : une "objective" (par rapport à une société), une liée à la difficulté, et une liée au "potentiel" de la personne en question. Il ne semble pas qu'il y ait de mérite "absolu" : on peut juger le résultat d'une action, mais le processus de décision, lié à la conscience/volonté, paraît difficilement pouvoir être jugé (le seul critère serait d'accorder de la valeur morale, du "mérite", à ceux qui sont le plus conscients, et ce critère serait alors loin de recouper le mérite tel qu'il est perçu habituellement).

La responsabilité apparaît donc comme tout à fait définissable dans un cadre déterministe (car le déterminisme est multiforme, s'exerçant sur lui-même), comme la conscience d'une action (ou de ses conséquences si ce sont elles qu'on juge) et l'accord de cette action avec la volonté du sujet. Le déterminisme semblerait même indispensable pour définir la responsabilité, car s'il n'y a pas de lien entre une action et ce qui semble en découler, il n'y a pas non plus responsabilité de l'intention par rapport à ces faits.

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