Les perceptions qualitatives des autres ne se distinguent pas, de mon point de vue, des mécanismes de leur cerveau, alors que chez moi cette différence existe (par définition je ne perçois pas les perceptions des autres, même si je suis amené, par comparaison, à supposer qu'elles existent probablement comme chez moi).
D'autre part l'exemple des rêves (qui sont conscients) prouve définitivement en l'absence de moyen de discernement entre rêve et réalité que l'existence d'un monde extérieur est sujette à caution : l'argument de l'incontrôlabilité de mes perceptions impliquant l'existence d'un extérieur ne vaut pas puisque dans les rêves, je ne contrôle pas (consciemment) mes perceptions alors qu'elles ne sont directement causées que par moi (on peut rétorquer que la partie de moi qui les cause m'est en fait extérieure ; mais le rêve prouve que le cerveau peut s'imposer des sensations paraissant aussi intenses que la "réalité" [ce que l'imagination montre déjà avec une intensité moindre], et il n'y a aucune raison [sinon le manque d'entraînement et le fait que les mécanismes de sélection naturelle n'ont certainement pas favorisé un tel développement] que cette création de sensations soit inaccessible à la partie consciente du moi ; un moi parfaitement conscient pourrait légitimement se déclarer solipsiste).
Dans la mesure où je ne contrôle pas totalement mes sensations, il existe donc un extérieur. Celui-ci doit forcément, d'ailleurs, pouvoir agir sur mes sensations (ce qui n'implique pas qu'il s'y identifie). De la même manière, le fait que certaines pensées s'imposent à moi (évidence, ou logique) et donc que je ne contrôle pas ce qui me semble vrai, prouve qu'il existe des idées qui me sont extérieures (même si la manière dont je les perçois dépend évidemment de moi), ou du moins une cause extérieure indépendante de moi (i.e. que je ne peux pas modifier arbitrairement) [cette cause extérieure peut alors être prise comme définition de l'idée). Le fait que seules mes sensations (y compris sensations internes) me soient accessibles ne prouve pas qu'elles seules existent car je peux isoler en elles la partie non contrôlable. On peut rétorquer que le fait que je ne puisse pas les modifier arbitrairement ne prouvent pas qu'elles sont universelles et indépendantes d'un sujet ; mais c'est en fait le cas car par définition, le moi conscient est la partie de moi que je peux modifier arbitrairement (arbitrairement dans les limites de ce qu'est un être pensant, c'est-à-dire que cet arbitraire n'inclut pas ce qui me rendrait non conscient) et donc elles seront indépendates de toute modification interne de moi-même ; comme je peux (du moins théoriquement) me modifier moi-même (ma partie consciente) (par définition de la conscience), elles seront invariantes par modification d'un être conscient ce qui prouve leur universalité (vis-à-vis des êtres conscients ; pour les objets sans sensations il est évident que l'extérieur peut ne pas exister).
Le monde extérieur existe donc forcément, même si on ne peut rien en connaître avec certitude (puisque dans ce qui me parvient intervient toujours une part de moi-même et une part de l'extérieur transformée par les mécanismes de liaison entre moi-même et l'extérieur ; dans certains cas cependant ces mécanismes sont connus [par exemple la logique pour l'extérieur composé des Idées]). Il existe de plus une part du monde qui est entièrement modifiable par moi (à savoir au moins mes pensées).
De l'existence du monde extérieur ne doit pas découler une morale : car une morale est fondée sur des valeurs et du sens et je suis le seul à assigner de la valeur et du sens au monde extérieur.