En bref : si on demande à l'État de ne pas intervenir sur les marchés, mais seulement de créer les conditions d'un fonctionnement des marchés conforme aux modèles théoriques qui assurent leur bon fonctionnement, on retrouve... un certain nombre des missions traditionnelles de l'État.
Prenons un instant à la lettre une conception restreinte des rôles de l'État dans l'économie : le rôle principal de l'État dans l'économie devrait se limiter 1) à organiser l'existence des marchés (on ne peut pas laisser à un marché le soin de créer un marché), et 2) à s'occuper de tous les problèmes mettant en jeu la vie de l'État lui-même (armée...). Ceci est en fait plus vaste que l'on ne croit.
Par exemple, organiser l'existence des marchés suppose que les individus puissent tous accéder aux marchés, sans que certains soient désavantagés par ces capacités d'accès. Sans cette condition, clairement les marchés seront imparfaits et des capacités de production seront perdues. Les institutions (l'État, ou des associations, collectivités locales...) doivent donc garantir l'organisation optimale du marché et son accès par les individus (transport, communication...).
De même, l'éducation est un préalable indispensable à l'obtention d'acteurs économiques un tant soit peu rationnels (présupposé de la plupart des modèles économiques pour le bon fonctionnement d'un marché), donc l'État doit intervenir dans l'enseignement (de plus, l'éducation est indispensable au vote, donc ce point rentre aussi dans 2)).
Toujours de même, l'absence de corruption est un facteur de bon fonctionnement de tout marché, donc la justice est une affaire d'État. De même, la symétrie d'information est nécessaire, donc l'État peut réglementer sur ce point. Le transfert des informations, l'organisation des transactions sont aussi des éléments importants du marché.
L'organisation du marché comprend aussi le fait que chacun puisse accéder au marché, et donc certains services indispensables à l'exercice d'une activité doivent être garantis (il doit y avoir un service minimal) par l'État : nourriture, transport, courrier... Évidemment, cela doit être limité au seuil de ce qui est considéré comme indispensable à l'exercice d'une profession, la partie "superflue" devant être assurée par des entreprises indépendantes
Bien entendu, cela ne signifie pas que l'organisation de tout cela doive être forcément centralisée. L'État peut très bien sous-traiter ces tâches (appels d'offre), et aussi laisser différentes compagnies privées en concurrence pour la meilleure organisation de ces services. Cependant, cela signifie que l'État a un droit de regard et de légifération sur ce qui se passe dans ces domaines (mais pas dans les domaines de l'économie "courante"), et ne doit pas se retirer en déréglementant sous prétexte que le marché est toujours optimal, puisque c'est faux dans les domaines qui relèvent précisément de l'organisation du marché.
En cas de sous-traitance par des entreprises privées, ces dernières doivent bien entendu respecter un cahier des charges (en particulier, assumer certaines activités non rentables immédiatement pour elles). Si une activité non rentable est traitée par plusieurs entreprises privées, se pose aussi le problème d'une répartition "équitable" des coûts de cette activité.